Le dernier aspect dont je souhaite vous parler m’a particulièrement amusé. Il s’agit de tout ce qui a attrait à la culture économique et cette capacité à s’affranchir de certaines règles ou normes occidentales établies que nous connaissons et qui m’ont poussés malgré moi à cohabiter avec le côté parfois sombre de la force.
Je me suis toujours étonnée de la différence de vitesse de la bande passante entre mes appels Skype vers l’Europe un peu chaotique parfois et mes téléchargements qui allaient à toute allure.
Je me suis étonnée de ne pas trouver de librairie digne de ce nom mais une variété de boutiques poussiéreuses encombrées de livres photocopiés.
Je me suis étonnée que la réalité des centres commerciaux fréquentés par la plupart des shanghaiens, si loin des grands centres commerciaux, propre et lumineux, cher et peu fréquentés lors de mon passage.
Ces centres commerciaux sont en réalité des boutiques de faux, de contrefaçons, et tout le monde s’y rend. Il y en a partout. A tel point que c’est rapidement devenu un paysage familier. Trop familier. Si bien que je me suis tentée, et j’ai acheté deux paires de jolies chaussures d’une certaine marque de luxe française (le comble !), que voulez-vous, les chaussures étaient si bien rangées ! Ce n’est qu’une fois rentrée à mon auberge de jeunesse que la réalité est revenue me frapper en plein visage. La possession de contrefaçon en France est bien sûr interdite.
Comment cela avait pu m’échapper ? Et cette valise que j’avais achetée dans une bagagerie pour aller au nord de la Chine et dont je ne connaissais pas la marque, l’était-elle aussi ? J’étais un peu perdue.
Rassurez-vous, je me suis débarrassée de tout ça avant de repartir
Il y a aussi tous ces stands dans certains endroits touristiques des villes, qui ramènent à la vie les décors traditionnels chinois. Gravures de seaux, petits instruments, objets artisanaux…sont soumis à la négociation. C’est un vrai challenge pour une occidentale comme moi car cet usage n’est plus du tout inscrite dans une pratique économique quotidienne. Heureusement j’avais des restes de mon expérience de mon voyage au Maroc, qui m’avait initié, mais je n’en avais moi-même pas fait l’expérience. A force de déambuler des semaines dans les villes de Shanghai, Suzhou ou Xitang, j’ai commencé à apprivoiser cette forme de commerce, aussi grâce à mes amis chinois, encore.
Je me souviens des derniers jours de mon voyage où je souhaitais offrir un souvenir à mon petit frère, au YuYuan Garden. Je me souviens avoir été si fière d’avoir négocié le prix de mon cadeau avec fermeté, sans me sentir gênée, car j’avais appris petit à petit à estimer la valeur réelle des choses. J’ai pu ainsi voir dans le regard de mon interlocuteur, un certain respect envers moi. Je n’étais plus tout à fait une totale « barbare ».
Pas plus que je n’ai été dupe de ces jeunes étudiants, qui m’ont proposés à moi et mon camarade, de nous initier au rituel du thé, arnaque courante dans la ville pour soustraire de l’argent auprès des étrangers.
Démêler le vrai du faux, l’authentique du factice me semble complètement périlleux pour aborder la culture Han ( nationalité majoritaire en Chine). Suivre les habitudes de consommation, découvrir les grands supermarchés - comme j’aime le faire dans les pays étrangers-, découvrir les lieux de sociabilité économiques, comme ce fameux marché au tissu ( fréquentés par tous, et notamment les expatriés) qui me laisse un souvenir si savoureux et les robes que j’ai pu faire sur mesure restent des biens précieux dans ma garde robe : ces souvenirs sont authentiques de par cette relation que j’ai eu avec les tailleurs, moments lors desquels j’ai pu admirer leur savoir-faire.
Créer de l'interaction là où elle existe déjà et où l'on peut y prendre part, voilà ce qui me semble donner du sens dans la rencontre de l’altérité.
Humilité, curiosité et discrétion (saupoudré d’un peu de maladresse, parfois!) m’ont guidées tout au long de ce voyage qui reste à ce jour l’expérience la plus intense que j’ai pu vivre.
Je m’aperçois, après vous avoir conter tout ceci, combien il reste gravé en moi et me guide encore aujourd’hui dans mon appréhension sereine du monde.
J’espère avoir pu vous faire un peu voyager !